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mardi 28 août 2012

La monnaie du crime



Le titre du film n'a rien de programmatique, A perdre la raison est un film rigoureux, raisonné (dans le sillage d'un Haneke). Le sujet est tiré d'un fait divers belge, une mère poignarda ses quatre enfants, mais l'acte importe moins que le cheminement qui y conduit. Au début il n'y a qu'une femme amoureuse mais le jeune couple se fait financer par un beau-père docteur (Tahar Rahim et Niels Arestrup jouaient déjà ensemble dans Un prophète de Audiard) dont la présence se fait de plus en plus oppressante. Il prend peu à peu le contrôle du nouveau  foyer par le biais de son argent et de ses relations.

Joachim Lafosse excelle dans la mise en place du malaise et on trouve dans A perdre la raison une vraie finesse sur les mécanismes de la pression sociale, sur l'ambiguïté du don, entre générosité et moyen de rendre dépendant. L'infanticide y apparaît alors comme un acte désespéré, une vengeance sur le rôle de femme docile qu'elle ne veut plus jouer. Le réalisateur ne justifie ni ne cautionne le crime, il oppose à la barbarie dans le sang la violence insidieuse et virulente du harcèlement.

Benoît, http://hotelsaintvincentparis.com/


lundi 20 août 2012

Hôtel du vice






Quoi de plus naturel pour le blog d’un hôtel que de célébrer un hôtelier ? Et pas n’importe lequel puisque la série Magic City suit le parcours de Ike Evans (photo ci-dessus), directeur du Miramar Playa, fleuron des palaces à Miami à la fin des années 50. La série n’est pas sans rappeler le charme de la série Mad Men ; look rétro, musique d’époque, et le personnage principal possède le même charisme détaché que Don draper.

Pourtant Magic City se distingue clairement de son aînée, que ce soit par sa concision (seulement huit épisodes de 50 minutes) et surtout par le milieu abordé. Les incartades sentimentales de Mad Men sont peu de choses face aux activités criminelles dans lesquelles baigne le palace. Filles de joie et caïds côtoient journalistes et sénateurs sous le regard vaste et calme de Ike Evans. Il est difficile de quitter cette atmosphère aussi langoureuse que létale une fois  que l’on a mis un pied dans les grands halls lustrés de Magic City.


mardi 14 août 2012

Festival Rock en Seine




Cette année marque les dix ans du festival Rock en Seine qui se déroulera du 24 au 26 Août au Domaine National de Saint-Cloud. L'affiche est attirante, conjuguant les têtes d'affiches (The Black Keys, Placebo, Green Day) et des groupes moins connus (Grimes, The Waterboys).

L'intérêt du festival tient aussi à un mélange des genres réussi car les organisateurs du festival ont eu la bonne idée de prendre le mot "rock" dans son sens le plus large. En effet il n'y a pas besoin de guitare électrique pour faire une musique énergique et fédératrice, comme le prouvent le rap belliqueux de Dope D.O.D ou l'électro vivace de Brodinski (photo ci-dessus) et Gesaffelstein.

Benoît, http://hotelsaintvincentparis.com/

lundi 13 août 2012

Femmes entre elles




Il est toujours intéressant de revenir au début d’une œuvre, en l’occurrence celle d’Antonioni, pour en avoir un éclairage nouveau et pour en retracer l’évolution. Or on trouve déjà dans « Le amiche » (littéralement « les amies », repris au cinéma depuis le 1er Août) un constat désabusé sur les relations humaines et des couples qui arpentent sans espoir ces ruelles pavées de cruauté et d’échecs sentimentaux.

On est loin pourtant de la trilogie constituée par L’avventura, La notte, et L’Eclisse, films qui commençaient tous après le drame (disparition, rupture). Dans la première partie de Femmes entre elles un groupe de femmes s’entredéchire, rivalisant d’intrigues et de mesquineries. Une saturation guette pourtant ce déchaînement de malice féminine, alors que le film distille ensuite un lent et beau parfum délétère.

 La langueur y est, seulement elle tarde à éclore. Le film est pourtant plus qu’un aperçu de l’œuvre à venir, il esquisse une galerie de portraits acerbes dont les tourments n’ont pas pris une ride.



Rétrospective Gerhard Richter



Le Centre Pompidou organise du 6 Juin au 24 Septembre 2012 une exposition sur Gerhard Richter, figure incontournable de l’art contemporain. Le peintre s’est notamment illustré dans les années 60 en choisissant de privilégier la peinture alors que l’art photographique prend son essor. La raison pour laquelle il poursuivra la peinture toute sa vie tient à une raison simple ; la couleur sur une toile reste une matière que l’on peut modeler.

Si dans un premier temps Richter se contente de brosser les couleurs pour conférer à ses sujets un effet de flou, ses peintures abstraites vont lui permettre de jouer pleinement avec les superpositions de couches et les effets de profondeurs. L’enchevêtrement de ses différentes périodes permet ainsi de cerner un artiste aussi brillant que prolifique.


samedi 11 août 2012

L'oeuvre au noir




La Maison rouge, galerie d’art contemporain, propose de redécouvrir l’œuvre de Louis Soutter. Trop longtemps assimilé à l’art brut, l’artiste montre dans cette exposition l’étendue de sa palette. Encre, crayon, plume, il utilisa aussi ses doigts à la fin de sa vie (à cause de l’arthrose notamment)  pour tracer ses longues silhouettes sombres et proches de l’Expressionnisme.

Les ombres qu’ils dessinent suggèrent autant de figures douloureuses. Et la vie de l’artiste fut peu encline à la gaieté ; malgré sa parenté étroite avec Le Corbusier, il fut peu estimé au point qu’il passa les dernières années de sa vie dans un asile pour vieillards. L’exposition « Le tremblement de la modernité »  permet, jusqu’au 23 Septembre 2012, de lui rendre la visibilité dont il a été si longtemps privé.



Bonbon au poivre




Xavier Dolan fait un cinéma très formel, ce qui lui a valu autant d’inimitiés que d’incompréhensions, les uns s’extasiant sur ses ralentis colorés, les autres lui reprochant de flirter avec le clip. Le cinéma du jeune canadien (trois films à vingt-trois ans) ne se résume heureusement pas à ses fausses questions.

Avec Laurence Anyways Xavier Dolan montre qu’il a les moyens de son ambition. On suit l’itinéraire de ce couple dont l’homme décide subitement de changer de sexe. D’abord vécu comme une révolution cette virevolte identitaire sombre peu à peu dans les discours revendicateurs et formatés. Il faut bien 2h40 pour voir un homme qui passe d’un piège (inhibition) à un autre (militantisme) et le portrait magnifique d’une femme amoureuse qui assiste, impuissante,  à cette nouvelle forme de repli.